Histoire du concours

 

Le tournoi d'une nouvelle génération

 

Le Concours International Tchaïkovski est fondé dans la deuxième moitié du dix-neuvième siècle, et représente un revirement dans l'attitude officielle de l'État soviétique envers les jeunes prodiges, l'art de l'interprétation et la musique de Tchaïkovski. Le premier concours du printemps 1958 a permis au pays de porter avec fierté les couleurs de l'école russo-soviétique, définie comme « l'une des meilleures au monde », et de se fournir en nouvelles idoles par le biais d'un système de concours internationaux. Depuis lors, beaucoup d'eau est passée sous les ponts : le rideau de fer est tombé, les enseignants de l'école « pré-révolution » ont été remplacés par leurs élèves (souvent lauréats du Concours International Tchaïkovski), puis par les élèves de leurs élèves. Le monde, qui était un temps divisé, est redevenu un tout unifié.

 

Van Cliburn reçoit la Médaille d'or des mains de Dmitri Chostakovitch, membre du jury pour l'édition 1958 du Concours International Tchaïkovski.

 

Étant donné le nombre croissant de concours internationaux aujourd'hui, leurs résultats peuvent ne pas avoir la même influence qu'autrefois sur le marché de la musique. Pourtant, les victoires de Grigory Sokolov, Gidon Kremer ou Mikhail Pletnev au Concours Tchaïkovski laissent penser que de telles victoires sont d'une importance capitale dans la carrière d'un musicien. 

 

Au cours de sa cinquante-troisième année d'existence, le Concours Tchaïkovski a acquis une certaine dualité dans sa personalité, en programmant ses épreuves à la fois à Moscou et à Saint-Pétersbourg. Les épreuves de piano et de violoncelle sont restées à Moscou, tandis que les épreuves de violon et de chant ont été déplacées sur les bords de la Neva, ce que l'on peut considérer comme un retour aux sources de l'école russe, dont les principes ont été établis par le fondateur de l'éducation musicale en Russie, Anton Rubinstein, le professeur de Piotr Illitch Tchaïkovski.

 

Le concours a à cœur d'élargir son public par le biais d'internet et d'inviter les artistes les plus réputés pour constituer un jury d'excellence. 

 

La force du destin

 

Seules quatre années ont séparé la naissance des conservatoire de Saint-Pétersbourg (1862) et de Moscou (1866). Diplômé du Conservatoire de Saint-Pétersbourg, Piotr Illitch Tchaïkovski devait devenir l'un des premiers professeurs du Conservatoire de Moscou. Sur ses conseils, le corps enseignant de Moscou fut élargi à de nombreux pédagogues originaires de Saint-Pétersbourg, comme le compositeur Mikhail Ippolitov-Ivanov (un étudiant de Nikolaï Rimsky-Korsakov) et le pianiste et chef d'orchestre Vasily Safonov, futur recteur au Conservatoire de Moscou. Au vingtième siècle aussi, la route qui mène de Saint-Pétersbourg à Moscou fut empruntée par de nombreux musiciens de talent, comme le violoniste et chef d'orchestre Alexander Orlov, le chef d'orchestre Alexander Gauk, et les pianistes Heinrich Neuhaus et Maria Yudina. Les efforts joints des deux villes formèrent ce que l'on a appelé « l'école russe d'interprétation ». En 1958, cette école s'unit pour la première fois avec son « homologue étrangère ». Van Cliburn a étudié à la Juilliard School auprès de Rosina Lhevinne, elle-même élève de Vasily Safonov. Daniel Pollack, finaliste en 1958, était également son élève. Le violoniste George Sidorov, qui a participé au II Concours International Tchaïkovski, a démarré ses études à Los Angeles auprès de l'un des anciens élèves de Leopold Auer. On pourrait citer de nombreux autres exemples similaires.

 

Le violoniste et pédagogue russo-américain Efrem Zimbalist, dans un entretien avec le journal Soviet Culture du mois de mars 1958, se remémore les soirées de musique de chambre au domicile de Nikolaï Rimsky-Korsakov, chez qui il se rendait après ses cours avec Leopold Auer. En 1962, un élève de Zimbalist, le violiniste israélien Shmuel Ashkenazi, reçut le deuxième prix au Concours Tchaïkovski. Gregor Piatigorsky, né en Russie, était membre du jury de violoncelle en 1962. Lors du concours, il rencontra son frère Alexander Stogorsky, un violoncelliste et pédagogue russe. Les destins n'ont cessé de s'entrecroiser au concours, enrichissant du même coup la mémoire culturelle du concours. De nombreux lauréats ont vécu ou travaillé à l'étranger durant de nombreuses années. C'est le cas notamment d'Eliso Virsaladze, Liana Isakadze et Paata Burchuladze en Allemagne ; Gidon Kremer en France ; Viktoria Mullova en Grande-Bretagne ; Boris Berezovsky en Belgique ; et Ivan Monigetti en Suisse. La discussion sur « l'école russe » au sens géographique donna naissance à une discussion sur ses valeurs ou, comme le dit Boris Kuschnir, membre du jury pour l'édition 2015 du concours, « sur le niveau professionnel et sur l'honnêteté de l'interprète. »